Bonjour,

Les organisateurs de cette rencontre m’ont invité à venir vous présenter ma vision, en tant que jeune, des alpes et de leur avenir. Ce texte je l’ai écrit pour que nous puissions réfléchir au rôle que la jeunesse pourrait avoir dans les alpes de demain.

Mon introduction vous éclairera sur la raison qui me pousse à essayer d’agir pour demain. Dans une première partie je vais vous parler de mon parcours et de mon expérience, qui ont tissé ma vision des alpes et le lien avec la jeunesse et le rêve.

La deuxième partie va vous présenter, à travers le regard du petit prince et de Greta Thunberg, certaines inquiétudes et incohérences au sujet de ce monde qui impact aussi les alpes.
Une troisième et dernière partie va me permettre d’imaginer les alpes de demain qui commence aujourd’hui.
En conclusion je n’aurais qu’une seule question !   

Aujourd’hui, à cette rencontre qui réunit des représentants de chaque pays de l’espace alpin, j’ai l’opportunité de vous apporter mon point de vue sur les alpes de demain en tant que jeune.

Concevoir l’avenir ensemble, là est l’objectif de notre rencontre.

Avoir une voix, parmi celles de mes voisins qui habitent la même région que moi, dans l’avenir que nous avons tous en commun.
Quel honneur, quelle chance !  J’étais si fier depuis ce matin et puis j’ai réfléchi !
J’ai pris un peu de recul et j’ai réalisé que je pourrais seulement vous dire la chance que j’ai de participer à cette rencontre dans une vingtaine d’années…
Car tout ce que j’ai accompli pour être ici aujourd’hui n’aura aucun sens si demain mes enfants, les enfants de mes amis et les futures générations ,ne pourront plus parcourir les Alpes comme je les ai parcourus depuis que je suis né.
A skis, à pied, en rafting ou en parapente, j’ai vu les glaciers, les lacs, les cascades, la faune et la flore, toute cette biodiversité que nous devons à tout prix préserver !
La montagne nous apprend la vie avec tellement de sincérité et d’humilité, des valeurs qui nous permettent d’atteindre un jour les sommets tant désirés !
Sur la voie qui te mène en haut, il faut connaître ses limites, il faut savoir écouter son corps, écouter son partenaire de cordée, écouter la nature. Et si toutes les conditions ne sont pas réunies, il faut savoir faire preuve d’humilité pour parfois faire demi-tour quand ce n’est pas le bon jour.

Une fois au sommet, il y a ce moment de sincérité avec toi-même, avec ceux qui grimpent avec toi ou ceux que tu as croisés en chemin.
Aujourd’hui à ce sommet, pour l’avenir des Alpes, nous nous devons d’être sincères avec la situation écologique critique qui nous concerne tous !
Pour faire face aux enjeux que ce constat engendre, il nous faudra faire preuve d’une grande humilité pour modifier en profondeur nos modes de vie et notre confort tant convoité mais si destructeur !

Je ne sais pas s’il y a des montagnards dans la salle ? Des aventuriers ?
Des rêveurs ; il y en a c’est sûr !
Alors vous vous reconnaîtrez tous un peu dans l’histoire que je vais vous raconter.

Je m’appelle Natael et j’ai 26 ans. Certains me disent que je suis jeune et d’autre disent que je commence à me faire vieux. Ce que j’en pense : les alpes ont vu le jour il y a environ 66 millions d’années, donc même si elles sont 2 538 461 fois plus vieilles que moi, j’ai fait le calcul ! D’un point de vue géologique elles ont l’avenir devant elles. Alors oui, tout est relatif ! J’ai passé mon baccalauréat au Centre de formation des métiers de la montagne, dans une petite ville des alpes qui s’appelle Thônes. C’est une école un peu spéciale où la montagne était notre salle de cours !
Durant ces 4 années de formation on m’a appris à oser croire en mes rêves !
On m’a appris à oser essayer et donc à accepter l’échec aussi.
Pendant cette période de ma vie on m’a énormément appris sur l’avenir que j’avais envie de construire.

Aujourd’hui je travaille pour le maire de Chambéry. Cette ville qu’on appelle aussi la cité des ducs de Savoie et qui est un carrefour alpin, depuis des siècles d’histoire. C’est ici que je suis née et que j’ai attrapé le virus de la montagne, de l’aventure et du partage.
Depuis bientôt deux ans le maire et député européen, Michel DANTIN, a lancé avec son équipe une grande consultation auprès des jeunes de 11 à 25 ans, afin de réécrire une politique jeunesse qui donnera les outils aux jeunes de notre ville pour qu’ils participent concrètement à la construction du Chambéry de demain. Ce projet qui se nomme « Chambéry Connectée Jeunes » s’inscrit dans le projet européen GAYA, avec le soutien de l’association ville des alpes de l’année.
En tant que jeune Chambérien c’est un grand plaisir d’avoir l’opportunité de travailler sur ce projet qui est indéniablement tournée vers la participation des jeunes à l’échelle locale. En tant que jeune européen de l’espace alpin j’ai pris part à plusieurs initiatives de participation des jeunes dans les alpes,  lesquelles m’ont permis de vivre des choses que je n’imaginais pas avoir un jour la chance d’expérimenter. Il y a quelques jours j’ai visité le Lichtenstein lors d’un workshop avec des amis italiens, slovènes, suisses, autrichiens, français, lichtensteinois et allemand. Pendant deux journées nous avons essayé de proposer des idées, aux représentants de la Stratégie européenne alpine, pour améliorer la participation des jeunes dans leur instance. Certains des jeunes étaient venus à Chambéry pour la conférence finale du projet GAYA au mois de novembre 2018. J’avais été missionné pour faire la visite guidé de ma ville et grâce à la rencontre inopiné avec l’élue chargée de la démocratie participative à Chambéry, j’ai eu la chance d’ouvrir les portes de la mairie à mon groupe de visiteur.
Aujourd’hui je suis ici et je peux vous dire combien nous, les jeunes, avons envie de participer à la construction de demain dans les alpes.

Les alpes et la jeunesse se ressemble sur bien d’autres points, et ont énormément de choses à apprendre à ce monde !
Je travaille donc beaucoup avec des jeunes qui ont, eux aussi, l’avenir devant eux ! J’observe que les adultes et la société, d’une manière générale,  leur demande à longueur de journée qui voudront-ils devenir demain ?
Alors que leur rôle c’est de savoir qui sont-ils aujourd’hui ? Et c’est très important pour moi d’accompagner les jeunes pour qu’ils répondent à cette question !
La jeunesse est pleine de ressources et trop souvent vous attendez qu’elle devienne comme vous l’aviez imaginé plutôt que de l’écouter au moment où elle a la capacité d’être subversive !
J’ai le sentiment que d’une certaine manière, notre société s’est éloignée de la jeunesse et de tout ce qu’elle peut nous apporter.

Il y a peu de temps j’ai lu le Petit Prince, d’Antoine de saint Exupéry. Je crois qu’en écrivant ce livre, l’écrivain avait le même sentiment que moi. C’est pourquoi dans sa dédicace, il invite chaque lecteur à retrouver l’enfant en soi, car « toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. (Mais peu d’entre elles s’en souviennent) !
Le petit prince c’est cet enfant qui se cache en nous tous ! C’est le voyageur, l’optimiste, l’humaniste, le rêveur, l’insouciant, l’aventurier qui essaye de comprendre le monde dans lequel il vit. Il essaye de comprendre le comportement, parfois absurde, des « grandes personnes ».
Plein d’innocence, il se balade de planète en planète pour protéger sa fleur, si fragile, contre le monde. Son regard, sur toutes les choses qui nous entoure, est souvent très différent de celui des adultes qu’il rencontre.
Car lui, regarde le monde avec son cœur…
Et il nous dit : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ! »
J’ai le sentiment que le petit prince a peur de voir ce monde qui s’éloigne dangereusement de la nature.
Alors demain dans les alpes ; la nature doit reprendre ses droits !
Car c’est de tout mon cœur que je vois combien les alpes sont naturellement belles !

Il y a peu de temps, Greta Thunberg, une jeune suédoise que le monde entier connait aujourd’hui a dit : « We live in a strange world ! »
Ce monde étrange nous l’avons créé nous même !

Nous devrions être prudents avec cette folie propre aux humains qui voudrait que ce soit la nature qui s’adapte aux ambitions surnaturelles de l’espèce humaine. Le clonage, les OGM, l’élevage intensif ou encore nos rêves d’immortalité qui nous éloigne tant de l’essence même de ce qui fait la vie, sa finitude…
Dans les alpes la neige artificielle, le tourisme intensif, l’urbanisation incontrôlée, sont quelques exemples de cette incohérence entre la nature et l’espèce humaine. A chaque intervention humaine on s’éloigne de l’essence même de ce qui est naturel, la beauté à l’état brut !
Mais du passé il ne faut pas tout jeter ! Le progrès a ses bienfaits lorsque il est utilisé pour des objectifs cohérent et durable ! Comme la jeunesse, c’est pour aujourd’hui que l’on doit donc se poser les bonnes questions! Nous devrions déjà bien redéfinir nos priorités, nos ambitions, nos nécessités pour que le monde de demain ne soit pas le résultat des fantasmes égocentriques de certains.

L’avenir que l’on espère ; on doit tout faire pour qu’il devienne notre quotidien. N’attendons pas demain !
C’est la fabuleuse histoire des alpes de demain qui commence aujourd’hui que je vais essayer de vous présenter !

Demain dans les alpes nous auront arrêtés de croire que la montagne est un parc d’attraction à ciel ouvert. Les touristes auront pris conscience que la montagne est un espace naturel fragile et périlleux. Ils seront plus prudents et plus attentifs aux règles de sécurité et se feront accompagné par des guides s’il est nécessaire de l’être. Certains secteurs de la montagne seront réglementés par un diplôme assez basique qu’il sera obligatoire de posséder pour s’y aventurer.
Les accidents dans les alpes sont de plus en plus nombreux, pourtant tout le monde sait que l’on ne saute pas dans l’océan si on ne sait pas nager !
Quant aux stations de ski elles arrêteront de permettre à ceux qui ont les moyens de payer, de se rendre en haute montagne trop facilement et sans aucune prévention. Si ça continue il y aura bientôt un ascenseur pour monter sur le toit de l’Europe !
J’étais à Zermatt la semaine dernière et certains touristes portaient leurs belles chaussures de villes à plusieurs centaines d’euros et réalisaient une fois à 3100 mètres d’altitude qu’il y avait de la boue, de la neige et que l’air était plus rare !
Qu’est-ce que l’on ne ferait pas pour un selfie au sommet ! Oui, on vit dans un monde étrange ! …

Demain nous aurons arrêté de vouloir façonner les alpes à notre image, d’essayer de croire qu’il est possible d’en supprimer tous les dangers et d’une certaine manière de les rendre inanimé. Ce que les vrais montagnards admirent dans la montagne c’est son côté imprévisible et incontrôlable. C’est le fait qu’elle soit inaccessible et que chaque montée vers le sommet devienne une aventure difficile qui nous rappelle notre condition humaine et nous rend toujours plus vivant. Et cela s’applique pour chaque sommet de nos vies. S’il n’y avait pas eu d’épreuves à surmonter, nos plus mémorables réussites n’auraient plus aucune valeur. Croyez en ma vielle expérience !
Demain dans les Alpes, les habitants seront encore plus éco responsables. Et je suis optimiste pour cela ! Car même si je n’ai que 26 ans, c’est assez pour être témoin de la fragilité des alpes ! Et j’imagine que nous en sommes tous un peu plus conscient chaque jour. C’est pourquoi beaucoup d’entre nous, avons décidés de changer nos habitudes. Et chaque région alpine doit continuer d’être facilitatrice dans ce changement positif, grâce à une coopération cohérente qui implique tous les acteurs capable d’agir durablement.

Au niveau de la mobilité, l’utilisation des modes de transports les plus propres seront valorisés grâce à une carte d’abonnement alpine qui permettra de cumuler des points à chaque voyage en train à travers les alpes. En fonction de la fréquence d’utilisation, le voyageur pourra ensuite obtenir des réductions sur d’autres trajets.
Dans les villes alpines les tarifs des transports en communs devront être  plafonnés à des tarifs très accessibles toute l’année, plutôt que d’attendre que l’air devienne irrespirable pour décider une mesure tarifaire impactante.
Les pistes cyclables européennes seront encore plus praticables et chaque ville alpine facilitera l’utilisation du vélo pour ses habitants. Les entreprises aussi auront un rôle et par exemple les supermarchés proposeront un service de prêt de remorque pour inciter les gens à venir faire leurs courses à vélo. Il sera donc encore plus facile de se déplacer en respectant l’environnement…

Demain dans les alpes c’est aussi l’activité touristique qui aura choisi de protéger la nature. Les stations de ski auront négociés avec les compagnies ferroviaires des offres, forfait et train, pour inciter les touristes à prendre le train plutôt que l’avion ou la voiture !
L’utilisation des hélicoptères dans un but touristique sera limitée par simple conscience écologique. Et l’utilisation des canons à neige sera limitée à un nombre de litres d’eau par saison…En hiver, l’eau en montagne est rare et on l’utilise pour fabriquer artificiellement de la neige qui ne tombe plus naturellement.
Oui, on vit dans un monde étrange !
Demain dans les alpes on protégera les paysages, la faune et la flore. En continuant de faciliter une agriculture raisonnée, qui protège les sols, les espaces naturels et la santé des consommateurs. Une agriculture locale et biologique, qui profite aux habitants de l’espace alpin en priorité.
Les espaces naturels protégés seront toujours prioritaires face aux désirs d’expansions d’une activité économique qui voit la nature avec les yeux quand les montagnards l’aiment avec le cœur. Il n’y aura plus d’espèces animales ou végétales menacées dans les alpes !  Car il en existe plusieurs à l’heure actuelle et des programmes de réintroductions ont déjà été effectués.
Dans chaque ville des projets éco-responsables verront le jour comme c’est le cas dans ma ville avec la mise en place de ruche en zone urbaine et le passage au zéro pesticide dans les espaces verts pour protéger les abeilles. D’autres projets tels que la BeeWeek ou BeeAware vont dans ce sens et contribueront à une prise de conscience écologique globale.
Car oui, souvent l’activité humaine menace ou éteint des espèces, elle est arrivé à un stade d’ethnocentrisme où elle a presque oublié la richesse de la biodiversité alpine. Cette biodiversité qui était là bien avant que l’humain s’installe là où il se dit pourtant chez lui ! Oui, on vit dans un monde étrange…

Demain dans les alpes les écoles auront toute, chaque semaine, une journée banalisée pour la pratique d’activités en milieu montagnard ou de connaissance théorique de la montagne et des espèces qui y vivent. Elles feront intervenir différents acteurs du milieu montagnard afin qu’ils puissent partager leur vision des alpes et leur rôle dans la protection de ce milieu naturel. Le guide de montagne, l’élu local ou régional, le moniteur de ski, le glaciologue, le géologue, le berger ou l’agriculteur. Chacun doit réfléchir sur son impact pour ensuite transmettre des solutions responsables et durables à la jeunesse. Les valeurs éducatives de la montagne sont nombreuses et enrichissantes. Elle nous apprend la solidarité, l’effort, l’humilité, le respect, le courage, la détermination, la lucidité… Elle est parfois synonyme de réussite ou d’échec. Et c’est grâce à ces valeurs et à cette expérience de la montagne, que les adultes de demain auront pris conscience des responsabilités qui leurs incombent.
Demain dans les alpes les habitants seront consultés au sujet des décisions politiques qui les concernent. Ils auront plusieurs moyens de partagé leurs idées et de participer aux décisions. La jeunesse sera partie intégrante de ce renouveau démocratique qui définira une politique commune incluant les valeurs alpines que j’ai cités il y a quelques lignes. A travers des outils de participation citoyenne, nous devrons faire confiance en une plus grande majorité de citoyens pour que la démocratie locale dans les alpes soit plus cohérente et collective.
Je suis heureux de constater que nous n’attendons pas demain pour agir, car plusieurs démarches ont déjà été initiées au sein de différentes instances alpines et j’en suis un témoin privilégié. Par exemple le projet du Youth alpine Interrail qui va vivre sa deuxième édition cet été et qui permet aux jeunes de toutes les alpes de voyager, se rencontrer et prendre encore un peu plus conscience de la beauté de nos montagnes. Cette initiative est portée par le conseil des jeunes de la CIPRA et beaucoup d’autre seront à venir.
Je pense que c’est grâce à ce dialogue entre les habitants, les politiques et les entreprises que les alpes pourront garder ces caractéristiques qui les rattachent à la jeunesse ; leur dynamisme, leur vitalité et leur beauté…

Comme la jeunesse, les alpes sont éternelles ! Et que ce soit le petit prince, Greta Thungerb ou d’autres jeunes qui regardent ce monde avec leur cœur.
Ils pensent à demain en se demandant si, ce qu’on appelle leur rêve, leur idéal, et qui paraît si déconnecté de la réalité de certains, n’est pas au fond l’évidence dont notre société s’est dangereusement éloignée.
Vous connaissez Martin Luther-King qui un jour a dit : “I have a dream”, mais aussi Mandella ou Ghandi. Leurs rêves d’enfant étaient éternels, ils dépassaient la haine, la peur, ils étaient audacieux et prêt à changer les règles !
C’est grâce à leurs rêves que le monde est devenu meilleur…
Ce sont vos rêves qui décideront des alpes de demain !

Alors laissez-moi vous poser une question !
Dans ce monde étrange, tôt ou tard, les rêveurs doivent-ils grandir ?

Natael

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