Ce que tu laisses.

Combien de fois déjà, ai-je du partir ? Aujourd’hui, je ne sais plus si je rentre ou bien si je repars. Dans ce train, dans cet avion, alors que je suis de nouveau en chemin. Je repense à toi, je repense à nous, je repense à tout ce qui ravive ma mémoire.

Ce que tu laisses en moi, vivra éperdument.

Et les larmes qui ont coulé, les sourires qui ont rayonné; donneront naissances aux plus belles fleurs de mes pensées.

 

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Après avoir passé la nuit, sur le sol gelé de l’aéroport de Miami, à regarder le va et viens monotone des files de caddy retournant docilement à leur place. Je me roule une dernière fois dans mes 3 couvertures synthétiques, que j’avais récupérées à la sortie de l’avion sur les sièges de mes voisins. Encore quelques heures et je serais en Haïti. J’abandonne mon lit de fortune pour me rendre au terminal, impatient et excité de m’envoler vers les Caraïbes. L’avion est annoncé avec un retard de deux heures. Peu-m’importe c’est presque la fin du périple, suis-je à quelques heures prêtes ?
J’ai déjà fait 10 fois le tour de l’aéroport, essayé chaque réseau wifi avec l’espoir qu’il y en ait un de gratuit, et regardé les informations sur chaque écran de télévision… On va donc aller discuter avec son voisin. Car c’est la seule chose que je n’ai pas encore faite ! Les passagers sont invités à remplir un document pour l’immigration et je n’ai pas de stylo. Comme personne n’a de stylo, on se prête tous le seul stylo qui marche et on en profite pour échanger quelques formules de politesse. Un avant-goût de ce qui m’attendras en Haïti. Je demande donc à ma voisine et elle en profite pour engager la conversation. Je lui explique la raison de mon voyage et, comme une coïncidence, elle s’occupe d’un orphelinat dans le sud de l’île. Elle m’invite à venir rencontrer les enfants, je lui réponds poliment: pourquoi pas ! Cette dame est très croyante comme beaucoup de monde en Haïti. Dernier échange ,avant de monter à bord, sur la question du bon dieu.
Je lui dis: »S’il existait vraiment. Je ne comprends pas pourquoi il a fait en sorte qu’il soit plus simple de faire le mal que de faire le bien ? ». Dieu a bien fait les choses selon elle pourtant…

L’avion décolle et arrive à Port-au-Prince, avant de repartir pour la Guadeloupe. Parmi tous les Français de l’avion, je suis le seul à m’arrêter le premier. Mon amie m’avait donnée quelques consignes pour passer sans encombre les épreuves qui m’attendaient une fois dans l’aéroport. De toute la liste je n’avais retenu que la dernière: « Une fois sorti de l’aéroport, ne parle pas aux chauffeurs de taxi, et j’attendrais devant l’entrée. »
Dans cette liste j’avais donc oublié l’adresse de mon logement, par exemple. On m’envoya dans les bureaux  pour que je puisse obtenir un visa. La responsable se présente et me demande en anglais quelle est la raison de ma visite. Je réponds donc en anglais et lui explique que je vais m’occuper d’enfants mais que je ne connais pas l’adresse exacte malheureusement. Elle me demande mon passeport et regarde ma nationalité.
Elle s’exclame: 

« -Mais vous êtes Français ?!
-Bah oui comme c’est écrit sous vos yeux madame.
-Mais alors pourquoi me parlez-vous en Anglais ?
– Bah ! C’est vous qui avez commencé à me parler Anglais ! « 
Elle sourit en me disant que c’est tout bon pour moi, je suis le bienvenu !
Je récupère mon sac qui est arrivé en même temps que moi, un  miracle. Il n’y a plus qu’à traverser le hall sans parler aux chauffeurs de taxi, croyez-moi, c’est une vraie épopée.
J’aperçois enfin le visage de mon amie qui a l’air tout aussi ébahi que je dois en avoir l’air. Quand , 4 ans plus tôt, je lui avais dit que je viendrais. J’étais convaincu par mes mots et j’ai simplement attendu d’être prêt. Car je savais que l’expérience humaine qui m’attendait, me changerait.

On ne part jamais vraiment de ces lieux hors du temps, de ces lieux si différents où chaque instant nous surprend. C’est une partie de nous-même que nous laissons à chaque retour. Mais c’est une partie de chaque rencontre, de chaque saveur, de chaque découverte qui repart avec nous, lorsqu’il est l’heure de rentrer…