«Le premier jour, les premiers kilomètres, le premier orage, les premières montées difficiles, les premiers moments de plaisir ; ce plaisir de partir, ce plaisir de souffrir, mais de réussir. 95Km, domessin→Minzier. C’est vrai que je n’avais pas regardé la météo. A quoi bon ?!
7h du matin dernier préparatifs. Je n’avais pas envie que sa s’éternise. J’étais pressé de monter sur mon vélo et d’aller assez loin pour ne pas avoir envie de faire demi-tour. Alors j’ai mis le peu d’affaire qu’il me manquait dans la remorque, j’ai dit au revoir à ma mère et à ma grand-mère. J’ai réveillé mon frère qui dormait sur la terrasse pour lui dire que je partais.»
Je me souviens parfaitement de ce »réveil » matinale, je n’avais pas vraiment trouvé le sommeil. Jusqu’au dernier instant j’avais cette appréhension, cette sensation que tu ressens avant de sauter dans le vide, avant de dire »je t’aime » pour la première fois. C’est quitte ou double, soit tu te lances et tu ressens une montée d’adrénaline qui te remplis de vie. Soit tu renonce et ce vide que tu n’a pas eu le courage d’affronter te rempli de doutes, de regrets. Alors j’ai dit au revoir à toutes ces raisons qui me retenait en France et je me suis jeté dans le vide ! Comme la chute fut chargée d’émotions, de rencontres, de péripéties, de réflexion, d’évasions… Le premier jour c’était vraiment spécial ! Je n’avais aucun entraînement pour faire 700 kilomètres à vélo, je n’avais pas fait un kilomètre avec la remorque a l’arrière , et j’avais sûrement rempli cette remorque de choses lourdes et inutiles en oubliant le principal… partir léger. Alors j’ai juste voulu dépasser mes limites et partir le plus loin possible.
Je dis bien »possible » car la notion de ce qui est possible a bien évolué au fil du temps pour les voyageurs. Ayant pour seul moteur mes deux jambes et l’énergie qu’elles consomment, je me suis senti un peu lent et chaque kilomètre me parurent toujours un peu plus longs. En fin de journée, c’est donc exténué et trempé que j’ai frappé à la porte d’un habitant pour lui demander l’hospitalité. Il a accepté et le confort d’une douche et d’un lit ne furent pas de trop. Croyez-moi j’ai bien dormi cette nuit la, et l’appréhension s’est transformé en excitation !
Jour 2 :
« Je regarde sans cesse à quelle vitesse j’avance et combien de kilomètres j’ai parcouru. Pourquoi ai-je toujours besoin de ces données ? Il y a le voyageur et le compétiteur, et l’un ne va pas avec l’autre ! Partir en vélo me fait réaliser plusieurs choses. Cette route je l’ai prise pendant plus d’un an, deux fois par mois. Soit en train, soit en covoiturage. Cela prenait 3h environ pour me rendre à Fribourg. J’adorais faire cette route, quitter la France, longer le lac Léman et passer le week-end en Suisse. J’adorais Fribourg, toutes ces cultures qui se mélangent, toutes ces langues, le suisse-allemand, le français, l’italien, l’anglais, l’allemand. C’était incroyable, je me sentais dans mon univers ! Mais ces voyages m’ont donné l’illusion que tout était simple, que 300 kilomètres ce n’était que 3h. Je crois que le progrès nous amène à vulgariser certaines valeurs essentielles, mais il y a des distances et des sentiments que le progrès ne pourra jamais vulgariser.
J’arrive donc à Lausanne en fin de journée. Je me baigne dans le lac Léman, j’installe ma tente et je discute avec mon voisin cycliste lui aussi. Il est parti pendant une semaine sur la route et il n’a que deux petites sacoches sur son vélo. Avec le temps on apprend , à partir léger… Et plus on sent la légèreté, plus on ressent la liberté.